C’est une étrange bestiole le caméléon. Il est drôle à observer. On le place dans un nouvel environnement et hop, le voilà qui scrute, qui observe, pour définir quel sera le groupe le plus profitable. Une fois qu’il l’a trouvé et qu’il l’a assez observé, il s’en rapproche et le voilà qui parle comme eux, qui s’intéresse soudain à des sujets qui le désintéressaient, qui change d’avis sur bien des sujets. Et puis, après quelque temps, il révèle tout son potentiel de caméléon et il commence à s’habiller comme ses nouveaux amis. Peut-être finira-t-il par penser comme eux, mais voilà un fait plus difficile à vérifier. Oui, c’est drôle à observer un caméléon, car après tout, malgré tout ce qu’il veut montrer, c’est peureux un caméléon, très peureux. Ca a peur de la solitude, ça a peur de la différence, alors ça devient comme les autres, pour être sûr d’avoir des amis.
Mais c’est moins drôle à connaître, un caméléon. On le voit changer une fois, mais on ne devine pas ce qu’il est vraiment, on pense simplement qu’il avait envie de changement. On apprend à connaître cette facette du caméléon, et un jour on se prend à l’aimer. Et il nous aime en retour, alors on passe de merveilleux moments avec cet animal, et on l’aime un peu plus chaque jour. On se prend à rêver d’une vie avec ce caméléon, on pense qu’il ne partira jamais. Quelle illusion! Car voilà un nouvel environnement qui s’annonce. Mais on ne voit pas le danger, on pense que ça changera le quotidien mais pas l’essence des choses, on continue à faire des projets. Mais le caméléon ne l’entend pas comme ça. Car comment pourrait-il être de deux couleurs à la fois? Cela dépasse ses talents. Et surtout, on pourrait risquer de ne pas être conforme au style des nouveaux amis du caméléon, et cela pourrait bien anéantir ses chances d’assimilation. Et puis, il a pris l’habitude, le caméléon, de tirer un trait sur son passé quand il devait devenir quelqu’un d’autre. Alors il s’en va, le caméléon, sans que l’on comprenne pourquoi, sans que l’on voit ce qui n’allait pas et qui l’aurait fait fuir. Mais peut-être s’est-il au fil du temps quelque peu attaché à vous, alors il vous fait miroiter une grande amitié. Seulement le voilà bien embêté, car il serait bien compromettant que son groupe vous connaisse et apprenne qu’il vous apprécie puisque vous n’êtes pas dans leur moule. Alors il se désintéresse de vous et au lieu de contempler votre amitié vous contempler les cendres de votre relation, de votre confiance et de votre complicité. Mais un jour, vous vous rendez compte que le caméléon s’est déjà comporté de la sorte et vous découvrez qu’il est caméléon. Seulement, cela ne fait qu’intensifier vos souffrances. Qui avez-vous aimé, l’homme ou le masque destiné à vous plaire? Vous a-t-il aimée ou voulait-il faire comme les autres ou alors se faire bien voir? Au début vous ne voulez pas y croire, mais quand vous le voyez avec ses amis, vous ne pouvez dire que vous connaissez cette personne et vous ne pouvez plus nier l’évidence. L’homme que vous avez connu n’était qu’un caméléon et vous vous êtes faite grugée comme tous les autres. Alors vous ne savez pas quel dégoût est le plus grand: celui de vous-même pour avoir aimé ce caméléon, lui avoir fait confiance, vous être offerte à lui, vous être fait de si nombreuses illusions, vous être laissée bernée si facilement ou alors pour cet homme qui n’est qu’un caméléon et qui vous a trompée, vous a lacéré le cœur et dont la découverte de la vraie nature a transformé votre belle histoire en un mensonge honteux.